Août 2021
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Avant-propos :
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux. *** Tel Patrick
Fiori,
j'en ai mis du temps à réussir à rentrer dans ce
hangar (et accessoirement à publier ce compte rendu) ! Le
pire, c'est qu'il est juste à côté de chez moi et qu'il me
nargue car je peux l'apercevoir depuis mon balcon.
Enfin, je pourrais parler au passé car il n'existe plus aujourd'hui et j'attendais justement sa démolition avant de publier cette page, pour des raisons que je vais expliquer en fin d'article. Déjà plantons le décor. À Marseille, nous avons la Régie des Transports Métropolitains (RTM) qui gère, comme son nom l'indique, une partie du réseau de transports de la Métropole via ses métros, tramways, bus et navettes maritimes. Elle dispose de plusieurs agences un peu partout mais avait son siège situé jusqu'en 2015 Avenue Clot Bey dans le 8ème arrondissement. Un projet immobilier est prévu suite au déménagement de la RTM dans un autre quartier. Le site est plutôt grand et a été très rapidement squatté une fois libéré de toutes activités. Et par squatté, il faut entendre qu'il a réellement été pris d'assaut par plusieurs voyageurs qui se sont sédentarisés pendant quelques années. Plutôt tendance punks avec des chiens. Ajoutons à cela qu'il y avait malgré tout une société de sécurité présente sur place et j'imagine qu'un deal a été acté amenant dans les faits les squatteurs à sécuriser l'ancien siège. Il y a eu jusqu'à 15 vans, dont certains immatriculés à l'étranger, et un minimum de 30 personnes avec presque autant de chiens. L'entrée était donc quasi impossible, les chiens étant très agressifs et les squatteurs totalement fermés à toutes discussions. Les agents de sécurité, plutôt sympathiques et professionnels, ne se montraient pas plus disponibles pour une visite guidée, on peut les comprendre. Testé et approuvé. Plusieurs fois même ! L'accès est de toutes façons très compliqué, pour ne pas dire quasi impossible. Un mur sépare l'ancien siège de la rue avec une visibilité énorme sur une zone pavillonnaire dans une avenue très passante, à côté d'un lycée. Au niveau des portails, des chiens d'un côté, deux gardiens de l'autre. Si l'on passe par l'arrière, nous sommes coincés par le sentier pédestre de l'Huveaune (c'est notre fleuve local). C'est là que je fais mon footing et je sais combien même si le lieu est chouette, l'eau est sale et le domaine protégé par une végétation dense qu'il sera difficile de franchir. Une petite chance toutefois, quasiment toute l'année, une partie du fleuve est asséchée à cause de la chaleur. Mais restent les squatteurs, gardiens, animaux et les ronces... Puis un jour, sur Instagram, je vois une vidéo émanant de cette page. Vidéo qui a depuis été retirée mais qui montrait que même si le lieu était squatté, il possédait un trésor situé dans un petit hangar. Le photographe mettait bien l'accent sur la dangerosité d'une telle expédition et sur le fait qu'il avait déjà du rebrousser chemin, coursé par les chiens, très agressifs ! Cela m'étant arrivé au même endroit, je ne pouvais que comprendre cette frayeur. Mais mince ! Il venait juste de découvrir un local avec trois Trolleybus dont le plus jeune a fini son service dans les années 80 ! De véritables pièces de collection qui prennent la poussière. Je me devais d'aller voir ça. Grâce à cette belle flèche rouge digne des plus grands Youtubeurs, vous pourrez vous rendre compte de la localisation de ce petit dépôt. Pour ceux qui ne connaissent pas, un Trolleybus est un bus qui roule avec un moteur électrique dont le courant est fourni par des lignes aériennes qu'il capte via des perches. Plusieurs villes ont eu recours à ces véhicules mais seules 4 les utilisent encore. ***
Comme
je n'ai pas réussi, malgré plusieurs tentatives, à
rentrer seul, je retente une ultime fois, cette fois-ci
avec Fabrice,
de passage dans le coin. On est plus fort à deux.
Non loin de l'accès situé au bord des berges de l'Huveaune, nous voyons un homme sortir de la broussaille et aller s'allonger par terre. On se dit qu'il doit probablement connaître ce qu'il se passe à l'intérieur et qu'il peut peut être nous aider ou même nous accompagner pour les photos. Il ne parle pas Français donc tout se passe en anglais. Il semble venir des Balkans, visiblement de Macédoine mais ce n'est pas très clair car parfois il parle de l'Australie (et son accent pourrait confirmer cela). Même s'il est très sympathique, il semble avoir son esprit dans une autre dimension. Il nous met en garde en nous disant de ne pas rentrer, que les gens sont malveillants et qu'il y a des chiens (sans blague !) mais pire, que le chef du squat élève des serpents, plus précisément des Mambas noirs, pour recueillir le venin et faire du poison parce qu'il est vraiment TRÈS méchant. On se croirait dans un scénario d'un film Américain des années 80. Alors. Bon. Il ne fait aucun doute qu'il plane et que cette histoire de serpents est à dormir debout mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus rassurant. Nous saluons notre compagnon qui retourne à sa petite sieste. Comme Fabrice a fait le déplacement, on se doit de tout tenter ! On traverse l'Huveaune asséchée, on escalade une berge pleine de ronces, on passe sous deux grillages, mais pas de chiens à l'horizon et les quelques caravanes semblent desertes. Le lieu est étrangement très calme. Le hangar est tout proche de nous. Dernière difficulté, accéder à la fenêtre en escaladant un bout de la façade sur 2m de haut et passer entre les barreaux. Je suis fin, ce n'est pas trop difficile. En quelques instants, nous sommes enfin à l'intérieur ! Sales, suants, saignants, triple S ! Et les 3T, trois Trolleys, trônent devant nous. La classe car c'est une véritable page d'anthologie que nous découvrons. Pour
commencer, le Berliet ELR 100C, numéro 316. Le petit
jeune ! En service de 1955 à 1981 ! Voici sa
fiche technique tirée du site ARTM.
Puis le
304, Berthélémy OTM2 utilisé entre 1938 et 1955 de
Marseille à Cuges les Pins (fiche
technique)
Et ce
magnifique Berliet PBR15, numéro 728, de 1955 à 1973 (fiche technique). J'apprends,
au moment où je rédige ces lignes, que c'est l'unique
modèle encore existant.
On trouve aussi une Renault Gallion, voiture échelle. Pendant
la visite, nous entendons que quelqu'un tourne autour du
hangar... Oups. Probablement un des gardiens. Nous nous
faisons discrets et continuons à prendre des photos le
plus secrètement du monde. Ici, l'intérieur du 728.
Nous n'allons pas nous attarder, je fais quelques photos et hop, on remballe tout. La
sortie n'a pas été des plus rassurante mais tout s'est
bien passé et franchement, je suis aux anges d'avoir pu
sauvegarder en photo ce patrimoine local.
J'ai eu régulièrement l'occasion de repasser devant et à chaque fois les mêmes causes produisent les mêmes effets : je ne suis pas le bienvenu est il est quasi impossible de rentrer. Nous avons eu un coup de bol énorme. ***
Dans
l'optique de rédiger ce compte rendu, je me suis très
sérieusement documenté sur ces véhicules et j'ai
rapidement compris qu'ils appartenaient en fait à une
association, l'ARTM,
et qu'ils étaient stockés là depuis un bout de temps.
L'association attendait donc le démantèlement du site
pour organiser le transfert des véhicules.C'est pour cette raison que j'ai décidé de ne pas publier ce compte rendu avant que les engins soient en lieu sûr et que le hangar soit démoli. C'est chose faite aujourd'hui. Voici quelques photos du transfert des trolleys : (Photos tirées de la page facebook System D) C'est
donc au Musée Provençal des Transports que vous pourrez
retrouver le numéro 316 (le reste sera stocké dans un
autre hangar Marseillais). Pour admirer ce véhicule
historique, les réservations sont possibles via le site du
musée qui sent
bon les années 90 !
D'ailleurs soit dit en passant, ça me manque cet internet où chacun pouvait créer son petit univers et son petit site perso en partant de rien. Maintenant, avec Wordpress et autre CMS, sans compter les réseaux sociaux qui phagocytent l'activité, tout fini par être uniforme et se ressembler... Encore une page qui se tourne. Merci à ceux qui œuvrent pour la préservation de notre patrimoine ! Sources :
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