Septembre 2017
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Avant-propos : - Aucune
information ne sera donnée sur la localisation du site. *** Il n'y a
que de la forêt à perte de vue. Tout est silencieux, calme
et sans vie humaine. Ça fait un plaisir fou de se sentir
isolé comme cela. C'est d'ailleurs ce qui a poussé cette
famille à vouloir faire construire ici une demeure
totalement insolite. Le lieu
n'a pas bougé depuis et est resté dans cet état de
végétalisation avancé.
Avant l'édification de la bâtisse, la forêt est sur le point d'être inscrite à l'inventaire des sites naturels. L'instruction du permis de construire impose alors aux autorités compétentes en charge du secteur d'adresser un dossier avec des plans à l’administration de tutelle à Paris pour pouvoir obtenir l'autorisation de construction. Une commission d'experts donne un avis favorable au projet soutenu par l'intérêt culturel qu'il représente. Ce n'est pas tous les jours qu'une villa d'architecte arrive au beau milieu de nulle part et qui plus est, lorsque celle-ci propose aux visiteurs de pouvoir se rendre dans les ateliers du couple. À cette
époque, cet espace naturel n'était bien entendu pas desservi
par les réseaux d'assainissement et d'adduction d'eau.
L'installation a ainsi nécessité des équipements techniques
pour une vie en totale autarcie et force est de constater
qu'ils ont mis les petits plats dans les grands pour faire
sortir cette œuvre de terre : La forte
déclivité de la pente naturelle comme l'isolement du
chantier ont imposé à l'architecte d'adopter des choix
constructifs pragmatiques et économiques mais également de
vivre avec une citerne à eau et un groupe électrogène le
temps de la construction. L'isolement se mérite. Bien que la
première volonté du maître d’œuvre ait été de réaliser un
édifice en pierres, l'éloignement entre le chantier et les
carrières a eu raison de cette solution initiale. Elle
laissera sa place à une enveloppe structurelle simple, en
béton, à laquelle est associée une maçonnerie de parpaings.
Le béton armé et les parpaings sont rehaussés d'un enduit
clair, épais et lisse, que le temps a rapproché des nuances
de gris jaunâtres de la roche du site, ainsi, il se fond
totalement dans le paysage. Le détail
des garde-corps, une simple planche de bois disposée en
couronnement des retraits entre volumes de maçonnerie, fait
écho, selon les dires des anciens propriétaires, aux
constructions rurales locales. Les toitures terrasses sont
revêtues de grandes dalles de béton lisse, disposées en
bandes perdues et qui accentuent l'échelle des espaces
extérieurs agrémentés de cyprès. En dehors de cela,
l'inspiration des travaux du Corbusier ne peuvent que sauter
aux yeux. On a donc tous les ingrédients pour une visite de
qualité. Je descends
donc un tout petit chemin de terre cabossé. Ma voiture
souffre, mes pneus agonisent et mes amortisseurs sont sur le
point de rendre l'âme et après avoir croisé deux panneaux
"voie privée" et deux maisonnettes brûlées, je gare ma
voiture discrètement dans une petite contre allée. C'est tout
bonnement magnifique tant c'est surréaliste de voir se
dessiner une construction comme celle-ci dans ce paysage
homérique. Un détail me trouble, j'entends une radio montée
à un volume très fort. De plus, un petit panneau "zone
surveillée, interdit au public" avec un numéro de téléphone
est présent au niveau des quelques points d'accès. Merde, le
lieu est gardé ou plus probablement, sécurisé
électroniquement.
Je décide de faire le tour discrètement, accompagné par "Rire et Chansons" à un niveau au moins aussi élevé qu'un concert de Manowar. Je regarde discrètement par quelques fenêtres. Le lieu est vide. Un manteau est posé sur une petite chaise. Je prends mon courage à deux mains et me décide à aller frapper à la porte pour me présenter et demande l'autorisation de faire quelques clichés et d'en savoir plus sur l'histoire du lieu. Pas de réponse. Il faut dire qu'avec un tel boucan qui émane de ce poste de radio il n'est pas étonnant de ne pas m'entendre. Je me pose quelques instants dans ma voiture le temps de voir un peu plus sur internet ce que je peux trouver et voir si je rebrousse chemin. J'en profite pour commander un bouquin qui parle de cette construction sur priceminister. Je vous mets une vieille photo d'archive, on peut voir que le lieu n'a absolument pas changé : Je tombe
aussi sur quelques bloggeurs des villages alentours qui se
désolent de l'abandon du lieu et de sa fermeture et du fait
qu'une telle merveille soit cachée des yeux de tous.
Je suis à
deux doigts de repartir puis, dans un éclair de fierté, je
me motive pour finalement prendre quelques photos des
contours de la maison ainsi que de sa terrasse (accessible
sans trop de cabrioles) parce que tout autant que visiter
des friches, c'est aussi me documenter sur des lieux
(abandonnés ou non) qu m'intéresse.
Il semble tout droit sorti d'un film de science-fiction. J'adore. Comme dans
toutes les villas d'architecte, il faut un certain temps
pour comprendre l'agencement du lieu, voici un petit plan de
coupe, tiré des dessins originaux :
Il me fait
vaguement penser au Sandcrawler de Star Wars. Je précise au
passage que les mentions "accès" figurent sur le plan
d'origine et ne sont que les portes d'entrées du bâtiment et
en aucun cas un accès pour une visite illégale.
Le grand
patio accueillait les visiteurs dans un jardin autour duquel
se déploie le logement du couple d'artistes. Les espaces
domestiques et professionnels s’enroulent autour de cette
grande cour et leurs larges baies vitrées font pénétrer
cette végétation dans leurs intérieurs. Le projet a été
pensé de plain-pied, car le couple souhaitait s'affranchir
de toute difficulté pour les déplacements de leurs œuvres.
Au dessus de ce patio, j'ai une vue d'ensemble sur
l'intérieur totalement vide mais également sur une table
avec téléphone et le fameux poste de radio. Pas la peine de
préciser que je me fais très discret.
La situation de l'édifice sur cette colline s'explique par une forme de repliement du monde artistique face à la nature. L'architecte va porter une attention particulière aux contraintes géographiques et climatiques que sont la pente, le soleil et le vent. Dressés
comme une muraille contre la pente, les volumes cubiques
sont disposés dos au vent violent venant du nord. Seules de
grandes meurtrières relient visuellement les différents
espaces intérieurs au paysage. Cette disposition invite donc
à capter la lumière par l'est et l'ouest.
Je trouve également que la façade ouest est dans un style totalement différent du reste. Il en est de même pour la façade sud : Je me
demande si les projecteurs destinés à illuminer la villa
sont encore actifs la nuit. Ils ont surtout l'air de servir
de nid pour les insectes du coin.
Pour compléter un peu tout ça, voici le plan de l'ensemble :
Vendue dans
les années 80, la propriété bascule dans le domaine public à
l'occasion de la vente du bien immobilier par les héritiers
du couple d'artistes. Les ateliers sont acquis par le
ministère de la culture. Début 2000,
le lieu est remis en cause en raison de sa situation
géographique totalement isolée. Il redevient ainsi une
synthèse des arts à travers une symbiose avec le végétal,
entre architecture et immersion dans le paysage qui reprend
progressivement possession de la villa. *** |