Avril 2018
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Avant-propos : - Aucune
information ne sera donnée sur la localisation du site. *** 1994. J'ai
presque 10 ans. Mes parents s'entendent bien avec les
voisins de notre petit square perdu au fin fond de la
Seine-et-Marne, entre bois, campagne et pavillons Phénix.
Comme plusieurs fois par mois, nous allons manger chez la
famille d'en face (et nous passons notre temps à nous rendre
mutuellement l'invitation). Ils ont un fils qui a le même
âge que moi et nous avons deux amours communs : les jeux
vidéos et les livres dont vous êtes le héros. Niveau jeux,
moi, la Game Gear, lui l'Atari ST. Ce soir là,
il m'annonce fièrement que son père a ramené une nouvelle
disquette de son boulot : Le
manoir de Mortevielle. Pour faire simple, il s'agit
d'une enquête menée par Jérôme Lange visant à résoudre la
mort suspecte d'une jeune femme dans un manoir isolé avec
des gens qui semblent tous cacher quelque chose. Avec du
recul, le jeu n'a pas l'air si crédible que cela mais je me
souviens qu'à l'époque nous avions été terrorisés. Les voix
digitalisées, les graphismes rudimentaires, la grande
liberté d'action ou encore les sons lugubres nous ont
immédiatement plongé dans cette ambiance curieuse. Notre
imagination faisant le reste, il n'en fallait pas plus pour
créer un traumatisme de jeunesse. Cela
à même occupé nos sujets de discussion pendant plusieurs
années car nous avions
appris quelques tirades et ressortions fréquemment le
générique un peu pété. 20 ans ont
passé. Et je n'ai pas oublié la terreur que me provoquait ce
jeu. Donner son titre à cette visite est une occasion de
rendre hommage à toute cette nostalgie que j'affectionne
tant et à cet ami que j'ai perdu de vue (mais qui d'après
Facebook se la met bien au Japon, comme quoi, le 77 mélangé
à l'Atari ST a du bon). *** Cela faisait un bon bout de temps que ça me hantait l'esprit d'aller faire cette visite. Je l'ai cherché longtemps celui-la, dès que les premiers albums ont commencé à apparaître en fait. Ainsi, j'ai pris soin de tous les télécharger et de noter scrupuleusement les rares indices présents sur les photos. Deux régions sont ressorties, à l'opposée l'une de l'autre (ou comment se créer des indices qui n'existent pas). Dans le doute, j'ai fait quelque chose que je n'ai pas l'habitude de faire, j'ai demandé confirmation à un contact avec qui le courant passe bien et pour qui j'ai beaucoup de respect autant pour le travail autant que pour son attitude. Une fois les précieuses précisions obtenues, je pouvais planifier un petit tour dans cette terre de cocagne. Comme à
l’accoutumée, je me lève trèèèèèès tôt pour partir de chez
moi avant le lever du soleil et arriver sur site dans la
matinée. Mes voisins doivent penser que je fais quelque
chose d'assez peu net quand ils entendent la porte de
l'appartement se refermer vers 5h30 un samedi. Dans la rue,
il fait encore frais et je croise de nombreux jeunes à la
démarche hésitante qui rentrent de soirée. On m'accoste pour
me demander une cigarette (je dois avoir la tête à ça) et
comme d'habitude, je ne peux pas faire autrement que de
refuser. J'arrive à ma voiture après une petite dizaine de
minutes de marche (les joies du centre ville). Une jeune
femme décuve sur le pas d'une porte cochère à proximité.
Elle me demande une cigarette (...). Autant je
suis au radar, autant je dois admettre que j'adore conduire
au petit matin. Voir le soleil se lever, arpenter des
autoroutes silencieuses et faire de détours dans de tiers
villages me rempli d'une joie assez particulière que je ne
retrouve pas ailleurs. Après quelques heures à savourer le spectacle auquel je prends part, j’aperçois les contours de l'objet de ma convoitise. Il n'est pas aisé de se garer discrètement à proximité de cette belle demeure. J'opte pour la solution de sécurité, celle de me garer loin et de continuer à pied. J'imaginais la façade exactement comme cela. Un mélange de plusieurs styles, témoins des différentes fonctions du lieu et des occupations professionnelles des propriétaires. Avec l'aspect abandonné, il y règne malgré tout une atmosphère d'anarchie avec toutes ces herbes folles et ces vitres brisées. Je fais le
tour pour m'assurer qu'il n'y a personne. Même si je sais
que ce lieu se visite ma hantise est toujours de tomber sur
un propriétaire qui n’entretient pas son domicile ou sur un
squatteur. Comme je suis seul 90% du temps, je ne suis
jamais rassuré de me trouver face à de telles situations.
Là, après m'être bien mouillé les pieds dans la végétation
et après avoir bien recouvert mon pantalon de ces petites
boules de merdouilles végétales qui collent, je constate
qu'il n'y a personne. Mais je suis un peu interloqué car le
lieu a l'air bien dégradé. Des fenêtres sont murées,
d'autres cassées, et on trouve beaucoup de bordel un peu
partout au sol. Première
pièce visitée, la cave. Bon, pas grand chose à dire, elle
fait son job et trahit l'ancienne fonction d'une partie du
lieu. Je suis satisfait de l'odeur d'abandon qui contribue
au charme de ces belles habitations. Je monte au
rez-de-chaussée. Une porte est fermée par un frigo posé
devant. N'écoutant que ma hâte, et sans chercher plus loin,
je décide de me faufiler maladroitement entre ce frigo qui
empêche la porte de s'ouvrir pleinement. Si j'avais pris
quelques secondes de plus j'aurai vu qu'il y avait une autre
porte à quelques mètres, qui amenait dans la même pièce,
mais bref.
Et là, mon
intérêt se mêle à une vision d’effroi :
Alors oui,
cette pièce est magnifique, ce petit jardin d'été avec cette
verrière possède un grand sex appeal mais je constate
surtout que le lieu a été saccagé. Quelle plaie ! Et encore,
je ne montre pas tout mais c'est à vomir. Je remercie le
seigneur de me donner la force de ne pas aller caner le
coupable !
Du reste,
c'est exactement pareil dans les autres pièces. De la casse,
des détritus, des insultes sur un bout de carton. L'ambiance
générale est bizarre. Un peu glauque en fait. Assez proche
du jeu cité plus haut car comme il le disait si bien "vous
êtes seul".
N'en
oublions pas pour autant ce beau salon, ou ce qu'il en reste
:
La cuisine a elle aussi subi le même sort. J'en
pleurerai presque. Le lieu était bien rangé, très propre et
dans un état de conservation plutôt correct. Nous devons
être une dizaine à avoir visiter ce manoir et le pire, c'est
que le coupable est très probablement quelqu'un de la
communauté.
Heureusement
que ce n'est pas l'action d'un petit tocard qui va venir
ternir la puissance de cette maison.
Ceci dit,
il n'est vraiment pas évident de faire des photos propres
des chambres tant il y a un bazar sans nom. Je décide de me
contenter de visiter sans prendre plus de clichés que cela
(j'y reviendrai sans doute avec un peu plus de conviction
dans quelques mois).
Je termine
la visite par la partie plus moderne, dans un déco très
maritime.
L'histoire
du lieu ? Pas vraiment connue. Avec le cadastre, on peut
apprendre qu'il s'agissait d'un domaine appartenant à une
famille dont l'un des membres est décédé il y a quelques
années et qui n'habite pas sur place. Cette résidence est
faite en plusieurs parties : une partie résidentielle et
agricole accolée à un manoir et une partie plus moderne qui
semble elle aussi avoir une vocation vaguement agricole (ou
peut être hôtelière, selon la configuration). La somme assez
hallucinante de photos différentes suggère que plusieurs
générations ont été amenées à vivre ici. On trouve aussi un
intérêt particuliers pour l'art et la religion. Je vais
trouver la motivation pour y retourner prochainement et
agrémenter ce compte rendu de nouvelles photos. Et peut
être, ça ne me ressemble pas, ranger un chouilla, en
débarrassant les nombreux tessons de bouteilles et autres
boites de conserves vidées un peu partout, sans oublier de
jeter le panneau d'insulte. Elle le
mérite bien... *** |