Le manoir de Mortevielle

Avril 2018



Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais de visites de lieux abandonnés.

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1994. J'ai presque 10 ans. Mes parents s'entendent bien avec les voisins de notre petit square perdu au fin fond de la Seine-et-Marne, entre bois, campagne et pavillons Phénix. Comme plusieurs fois par mois, nous allons manger chez la famille d'en face (et nous passons notre temps à nous rendre mutuellement l'invitation). Ils ont un fils qui a le même âge que moi et nous avons deux amours communs : les jeux vidéos et les livres dont vous êtes le héros. Niveau jeux, moi, la Game Gear, lui l'Atari ST.

Ce soir là, il m'annonce fièrement que son père a ramené une nouvelle disquette de son boulot : Le manoir de Mortevielle. Pour faire simple, il s'agit d'une enquête menée par Jérôme Lange visant à résoudre la mort suspecte d'une jeune femme dans un manoir isolé avec des gens qui semblent tous cacher quelque chose. Avec du recul, le jeu n'a pas l'air si crédible que cela mais je me souviens qu'à l'époque nous avions été terrorisés. Les voix digitalisées, les graphismes rudimentaires, la grande liberté d'action ou encore les sons lugubres nous ont immédiatement plongé dans cette ambiance curieuse. Notre imagination faisant le reste, il n'en fallait pas plus pour créer un traumatisme de jeunesse. Cela à même occupé nos sujets de discussion pendant plusieurs années car nous avions appris quelques tirades et ressortions fréquemment le générique un peu pété.

20 ans ont passé. Et je n'ai pas oublié la terreur que me provoquait ce jeu. Donner son titre à cette visite est une occasion de rendre hommage à toute cette nostalgie que j'affectionne tant et à cet ami que j'ai perdu de vue (mais qui d'après Facebook se la met bien au Japon, comme quoi, le 77 mélangé à l'Atari ST a du bon).

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Cela faisait un bon bout de temps que ça me hantait l'esprit d'aller faire cette visite. Je l'ai cherché longtemps celui-la, dès que les premiers albums ont commencé à apparaître en fait. Ainsi, j'ai pris soin de tous les télécharger et de noter scrupuleusement les rares indices présents sur les photos.

Deux régions sont ressorties, à l'opposée l'une de l'autre (ou comment se créer des indices qui n'existent pas). Dans le doute, j'ai fait quelque chose que je n'ai pas l'habitude de faire, j'ai demandé confirmation à un contact avec qui le courant passe bien et pour qui j'ai beaucoup de respect autant pour le travail autant que pour son attitude.

Une fois les précieuses précisions obtenues, je pouvais planifier un petit tour dans cette terre de cocagne.

Comme à l’accoutumée, je me lève trèèèèèès tôt pour partir de chez moi avant le lever du soleil et arriver sur site dans la matinée. Mes voisins doivent penser que je fais quelque chose d'assez peu net quand ils entendent la porte de l'appartement se refermer vers 5h30 un samedi. Dans la rue, il fait encore frais et je croise de nombreux jeunes à la démarche hésitante qui rentrent de soirée. On m'accoste pour me demander une cigarette (je dois avoir la tête à ça) et comme d'habitude, je ne peux pas faire autrement que de refuser. J'arrive à ma voiture après une petite dizaine de minutes de marche (les joies du centre ville). Une jeune femme décuve sur le pas d'une porte cochère à proximité. Elle me demande une cigarette (...).

Autant je suis au radar, autant je dois admettre que j'adore conduire au petit matin. Voir le soleil se lever, arpenter des autoroutes silencieuses et faire de détours dans de tiers villages me rempli d'une joie assez particulière que je ne retrouve pas ailleurs.

Après quelques heures à savourer le spectacle auquel je prends part, j’aperçois les contours de l'objet de ma convoitise. Il n'est pas aisé de se garer discrètement à proximité de cette belle demeure. J'opte pour la solution de sécurité, celle de me garer loin et de continuer à pied.

J'imaginais la façade exactement comme cela. Un mélange de plusieurs styles, témoins des différentes fonctions du lieu et des occupations professionnelles des propriétaires. Avec l'aspect abandonné, il y règne malgré tout une atmosphère d'anarchie avec toutes ces herbes folles et ces vitres brisées.

Je fais le tour pour m'assurer qu'il n'y a personne. Même si je sais que ce lieu se visite ma hantise est toujours de tomber sur un propriétaire qui n’entretient pas son domicile ou sur un squatteur. Comme je suis seul 90% du temps, je ne suis jamais rassuré de me trouver face à de telles situations. Là, après m'être bien mouillé les pieds dans la végétation et après avoir bien recouvert mon pantalon de ces petites boules de merdouilles végétales qui collent, je constate qu'il n'y a personne. Mais je suis un peu interloqué car le lieu a l'air bien dégradé. Des fenêtres sont murées, d'autres cassées, et on trouve beaucoup de bordel un peu partout au sol.

Première pièce visitée, la cave. Bon, pas grand chose à dire, elle fait son job et trahit l'ancienne fonction d'une partie du lieu. Je suis satisfait de l'odeur d'abandon qui contribue au charme de ces belles habitations.



Je monte au rez-de-chaussée. Une porte est fermée par un frigo posé devant. N'écoutant que ma hâte, et sans chercher plus loin, je décide de me faufiler maladroitement entre ce frigo qui empêche la porte de s'ouvrir pleinement. Si j'avais pris quelques secondes de plus j'aurai vu qu'il y avait une autre porte à quelques mètres, qui amenait dans la même pièce, mais bref.
Et là, mon intérêt se mêle à une vision d’effroi :



Alors oui, cette pièce est magnifique, ce petit jardin d'été avec cette verrière possède un grand sex appeal mais je constate surtout que le lieu a été saccagé. Quelle plaie ! Et encore, je ne montre pas tout mais c'est à vomir. Je remercie le seigneur de me donner la force de ne pas aller caner le coupable !
Du reste, c'est exactement pareil dans les autres pièces. De la casse, des détritus, des insultes sur un bout de carton. L'ambiance générale est bizarre. Un peu glauque en fait. Assez proche du jeu cité plus haut car comme il le disait si bien "vous êtes seul".
N'en oublions pas pour autant ce beau salon, ou ce qu'il en reste :





La cuisine a elle aussi subi le même sort.





J'en pleurerai presque. Le lieu était bien rangé, très propre et dans un état de conservation plutôt correct. Nous devons être une dizaine à avoir visiter ce manoir et le pire, c'est que le coupable est très probablement quelqu'un de la communauté.



Heureusement que ce n'est pas l'action d'un petit tocard qui va venir ternir la puissance de cette maison.



Ceci dit, il n'est vraiment pas évident de faire des photos propres des chambres tant il y a un bazar sans nom. Je décide de me contenter de visiter sans prendre plus de clichés que cela (j'y reviendrai sans doute avec un peu plus de conviction dans quelques mois).
Je termine la visite par la partie plus moderne, dans un déco très maritime.

 

L'histoire du lieu ? Pas vraiment connue. Avec le cadastre, on peut apprendre qu'il s'agissait d'un domaine appartenant à une famille dont l'un des membres est décédé il y a quelques années et qui n'habite pas sur place. Cette résidence est faite en plusieurs parties : une partie résidentielle et agricole accolée à un manoir et une partie plus moderne qui semble elle aussi avoir une vocation vaguement agricole (ou peut être hôtelière, selon la configuration). La somme assez hallucinante de photos différentes suggère que plusieurs générations ont été amenées à vivre ici. On trouve aussi un intérêt particuliers pour l'art et la religion.

Je vais trouver la motivation pour y retourner prochainement et agrémenter ce compte rendu de nouvelles photos. Et peut être, ça ne me ressemble pas, ranger un chouilla, en débarrassant les nombreux tessons de bouteilles et autres boites de conserves vidées un peu partout, sans oublier de jeter le panneau d'insulte.

Elle le mérite bien...

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