Le parc de l'arlésienne

Mai 2017




Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais d'explorations.

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Ce jardin d'enfant avait tout de la belle idée sociale et fédératrice. Il est le projet d'une femme, plasticienne, qui, de 1988 à 2003, avec l'aide d'une centaine d'habitants, a façonné cet environnement singulier. L'artiste a ainsi demandé la contribution des parents et enfants du quartier pour pouvoir faire émerger un lieu de vie faisant écho à l'imaginaire de chacun.

J'ai eu l'opportunité de visiter deux fois ce parc, systématiquement accompagné par le chant des cigales et sous un soleil de plomb.


On y trouve plusieurs éléments : un château (référence à l'habitat individuel), un cours d'eau (influence maritime), une caverne avec un périscope qui provient d'un vrai sous marin (imaginaire sous marin / vaisseau spatial) ou encore une vraie carcasse de mirage en provenance de Châteaudun. Chaque élément possède une histoire ce qui confère au lieu un aspect "centre culturel".


Ce lieu permettait de passer d'une émotion à l'autre. Ainsi, devant chaque sujets, on peut éprouver de la joie, de la surprise ou encore de l'émerveillement, que l'on soit explorateur urbain ou simple enfant à la recherche d'une activité (ce qui est au final plus ou moins la même chose).



À l'abandon depuis presque 10 ans, ce site n'a pas perdu de sa superbe. Au fil de sa construction, les travaux s’éternisant, le lieu ne sera jamais ouvert à cause d'un cafouillage sur les normes de sécurités. Pour faire simple, l'élue de l'arrondissement souhaitait en faire un jardin public accessibles librement à tous, tandis que la vocation initial du parc devait avoir du personnel encadrant afin de faire respecter des normes de sécurité.



Le lieu est donc fermé au public, avec un gros cadenas sur le portail mais il y a un trou dans le grillage. Tout le monde est au courant et cela reste une manière de faire vivre ce lieu. Ainsi, beaucoup d'ados du coin y fument la chicha pendant que des parents d'élèves maintiennent un petit peu d'ordre et protègent ce qui peut encore l'être.



Des riverains y organisent parfois de grands piques-niques car ils sont relativement conscients que ce n'est pas la ville ou l'arrondissement qui fera quelque chose pour ce parc dont l'histoire résonne comme une arlésienne.



Un projet de réouverture est dans les cartons depuis 2015 mais la lenteur des dossiers est un sport municipal et pour ainsi dire on peut considérer qu'il est au point mort.



À mi-chemin entre le ludique, le pédagogique et le sociologique, il est regrettable qu'une telle initiative termine comme cela. Pourtant, ce n'est malheureusement pas la motivation de l'artiste qui est à condamner. Par exemple, elle a réussi à convaincre l'armée de l'air ainsi que Jean-Pierre Chevènement pour obtenir le périscope et le mirage !



En fait, tout le chantier n'est qu'une anecdote géniale et un peu folle narrant des histoires de partages, de barbecues, de dons et de sacrifices ! Et au final, c'est intéressant de se dire que la rencontre dont je vais vous parler fait finalement honneur à cet espace de vie.



Lors de la deuxième visite, que j'ai pu effectuer en compagnie d'Amélie d'AD Urbex, j'ai personnellement été interpellé par un riverain dans sa camionnette alors que je faisais un petit tour du quartier pour voir si il n'y avait pas plus à se mettre sous la dent.



Dans un premier temps, il fait mine de me foncer dessus, puis, du haut de ses 70 ans bien sonné me dit "qu'est-ce que vous cherchez, vous ?" d'un ton plutôt menaçant.



Je lui explique alors la raison de ma présence ici. Il semble amusé par la démarche et en même temps, assez peu surpris. Mais j'ai l'impression qu'il pense que je suis envoyé par la presse ou quelque chose comme ça.



Il s'arrête, me propose une cigarette que je refuse poliment car je ne fume pas, et part dans une looonnnggguuueeee explication, mais très sympathique au demeurant. Voici Monsieur R.



Il part chercher à l'arrière de son véhicule un petit calepin avec un stylo qu'il me tend et me dit d'un ton très solennel de bien l'écouter car il faut que je prenne note de ce qu'il va me dire. Son franc parler est plus vrai que nature. De plus, il me rappelle très fortement mon défunt grand père : même moustache conquérante, même attitude impliquée et débonnaire et surtout, même accent à couper au couteau qui fait que l'on a l'impression d'entendre parler une autre langue.
Je me présente ainsi qu'Amélie, même si elle n'est pas avec moi durant cet échange.



Il commence par me donner le numéro de téléphone portable de l'artiste en me disant que je peux sans problème la contacter de sa part et pour me prouver qu'il connaît le personnage, il me dit qu'elle est "tombée à cheval" et qu'il espère très sincèrement que sa santé aille pour le mieux. Soit.



Il me raconte des anecdotes du chantier comme par exemple ce fameux jour où il y a eu barbecue avec un thon géant venu tout droit d'une ville voisine mais il déplore le fait que ceci n'est maintenant qu'un "gouffre à pognon".



Nous continuons la discussion. Il est bavard et a vraisemblablement envie de parler. Je l'écoute, avec beaucoup d'intérêt et d'amusement car c'est un vrai personnage. Il râle. C'est un sport national, régional et même municipal mais force est de constater qu'il a raison. Il m'indique que son arrondissement, "tout le monde s'en fout" et que le maire laisse pourrir la situation.



La preuve ? "Il y aura Garou pour la fête de la musique à Toulouse mais rien ici". Bon, même si Toulouse est à 500km, je peux entrevoir le lien logique même si cela me semble un peu tiré par les cheveux. Me concernant, je me fiche de Garou et également de la fête de la musique qui tend le plus souvent à être une défaite de la musique mais je me garde bien de débattre de ce sujet la avec lui.



Il commence à me parler, ensuite du quartier dans lequel j'habite. Ce n'est pas évident pour moi d'autant plus qu'il utilise les noms locaux des rues qui ne sont pas les noms officiels.



Je vous passe les détails car il y a un minimum de bienséance mais la discussion aborde des sujets un brin plus libertins qui tranchent avec ce parc où l'on pourrait presque entendre les rires d'enfants qui n'ont jamais vraiment raisonnés ici.



Il termine la discussion en me demandant pour quelle télé ou journal "je bosse" avec un tutoiement des plus familiers. Je lui ré explique très brièvement qu'il s'agit d'un site internet. Je déclenche alors à nouveau la machine et j'apprends qu'il ne maîtrise pas internet et qu'il s'en fiche et se fait une fierté de ne pas avoir de téléphones portable.



Histoire de clore le débat avec cet homme bien sympathique, je lui propose de lui imprimer 2-3 photos pour lui donner lorsque je serai de retour chez moi.



J'apprends qu'il possède plus de 15 000 tirages sur le lieu et qu'il n'en veut pas plus. Il me donne même la marque de son appareil photo que je ne connais pas mais il me dit que de toutes façons il ne peut plus l'utiliser car on ne trouve plus de pellicules. La discussion devient un peu confuse.



Bon, j'abrège un peu, nous nous saluons en nous disant "à la prochaine" et je retourne à ma voiture tranquillement.



Bilan des courses ?



Une visite plutôt mignonne, même si rapide, d'un lieu relativement insolite et cela brise toujours le cœur de voir des projets humains tomber à l'eau.



Mais quoi de mieux que d'avoir les pieds sur terre et la tête dans les nuages ?



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