La friche de l'Escalette

Juillet 2017




Avant-propos :

Ce lieu est actuellement pris en charge par une association qui organise des visites guidées de la friche et des expositions temporaires en rapport avec l'architecture et la sculpture. Il n'est donc pas abandonné et peut se visiter parfaitement légalement sur rendez-vous.
Il est situé à l'impasse de l'Escalette, 13 008 Marseille.

http://friche-escalette.com/

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Un peu de changement dans ce qui est proposé ici. Je ne vais pas vous présenter un lieu laissé à l'abandon mais je pense que cela peut être intéressant de voir comment une ancienne ruine peut être prise en main et réutilisée dans un intérêt artistique. On l'a déjà vu au Château de la Valette, à Pressigny Les Pins, où des artistes de rues ont pris possession des lieux pour colorer une partie de la façade et de l'intérieur. Je dois être un peu réac, mais cela m'a laissé de marbre et j'ai même trouvé ça dommage.

Je trouve le projet bien plus intéressant ici.

La visite de ce lieu en friche est donc totalement légale, gratuite, et s'est faite accompagnée d'un guide, ce qui nous a permis de bien appréhender les restes de cette ancienne usine de plomb et les œuvres qui y sont temporairement exposées.

Le lieu est paradisiaque. Situé dans le parc national des Calanques, au sein du 8ème arrondissement de Marseille, ce petit port de pêche a eu une histoire mouvementée bien qu'assez peu documentée.

Le lieu est d'abord choisi pour y installer une usine de traitement du plomb dès 1851. D'après notre guide, le choix du lieu est très probablement dû à la méthode d'évacuation des déchets se faisant directement par, et dans la mer. Le petit port situé au pied de la construction était alors utilisé pour amener les différents minerais par péniches et autres barges. En 1925, le lieu ferme et devient quelques décennies plus tard une batterie militaire, d'abord Italienne, puis Allemande. On y retrouve donc, entre autre, deux Blockhaus et une batterie de canons. Il est évident que le principal propriétaire de l'usine a par la suite été inculpé pour collaboration et, chose amusante, une petite garnison Italienne fût abandonnée et enfermée ici par les Allemands dès 1943 devenant ainsi, selon la légende, une attraction locale où les habitants venaient observer et nourrir, comme l'on nourri un macaque au zoo, ces individus, anciens voisins mais toujours ennemis.
Voilà pour l'histoire officielle du lieu.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le site est hautement pollué au plomb et à l'arsenic et de nombreuses zones sont interdites d'accès.
Plus ou moins clandestinement, il sera transformé, au fil des ans, en camping (!?) et en garage à bateaux. Il était aussi utilisé, pour des activités encore plus clandestines en lien avec divers trafics et nombre de petites maisonnettes construites illégalement furent détruites au cours des années 2000.

En 2011, un Parisien amoureux de la ville (on le comprend), Éric Touchaleaume, acquiert la friche pour en faire un "parc de sculpture et d'architecture légère".

Le thème de l'exposition temporaire du moment était "Utopie Plastic" présentant des habitats futuristes en plastique. L'idée me plaît bien et dès l'ouverture de la grille, un joli spectacle s'offre aux visiteurs :



Le lieu parait irréel tant il est à la fois très futuriste, en ruine et totalement vintage. C'est beau. En plus, l'odeur des pins mélangé à l'odeur marine rend ça encore plus charmant. Nous serons en tout une quinzaine de visiteurs, tous trentenaires, avec quelques touristes asiatiques dans le lot.
Nous signons une décharge qui nous dit de faire bien attention et que si jamais ça tourne mal, nous renonçons à toutes poursuites, même si en apparence, rien ne semble dangereux (car la zone a été bien sécurisée), le geste semble presque militant et ce principe de précaution n'est en somme que du bon sens.

La visite sera effectuée par un étudiant en architecture, bénévolement.

Il est à noter, enfin, que quelques personnes qui travaillent sur la friche s'affairent à réhabiliter d'anciennes structures et ce, afin de financer les charges qui incombent à leurs activités.

Première structure : La bulle à 6 coques de Jean Benjamin Maneval, dessinée en 1963.





Cette habitation est composée de 6 coques en polyester détachables pour une superficie de 36m². Il n'est pas possible de visiter l'exemplaire principal installé dans la friche pour des raisons de conservation.









On y trouve tout le confort moderne : cuisine, lits, sanitaire ainsi qu'un séjour. Elles ont été produites en 300 exemplaires.

Deuxième structure : L'hexacube, crée en 1972 par Georges Candilis et Anja Blomsted. Comme son nom l'indique, il s'agit de structures hexagonales, en polyester, qui ont la particularité de pouvoir s’emboîter les unes aux autres afin de pouvoir leur donner la forme souhaitée.



Ainsi, la taille de base de 7m² pouvait être agrandie en fonction du nombre de cubes utilisés. Testées à Port Leucate, les maisons ont été produites par la suite en série.



L'intérieur, comme on peut le voir sur cette image, semblait particulièrement agréable :





Troisième structure : La maison Futuro, initiée par Matti Suuronen en 1968. Cette soucoupe volante fabriquée en une soixantaine d'exemplaire a su galvaniser une communauté active de fans à travers le monde qui s'évertuent à entretenir cette utopie Finlandaise. Construite en polyester, sa technique de construction idéale (deux jours seulement) et son système de chauffage ingénieux (passant en 30 min de -28 à +15 degrés) en fait une maison de vacances idéale.







Toutefois, son côté trop moderne n'a pas permis à ce modèle de trouver grâce aux yeux du public qui lui reprochait de ne pas s'accorder avec le paysage Finlandais. Ce type d'habitat a également été interdit, en son temps, dans certains coins des États-Unis pour les mêmes raisons.
Il est possible de visiter celle qui est à l'intérieur de la friche de l'Escalette. Elle est meublée avec un prototype du bureau Boomerang datant 1969, dans sa version Grand PDG avec un siège intégré, de Maurice Calka On y trouve aussi des sièges gonflables Aerospace en plastique bleu de Quasar Khanh père spirituel de Philippe Starck.







L'intérieur, bien que plutôt spacieux, semblait propice au partage comme on peut le voir sur cette photo d'archive :





Une fois les différentes structures visitées, nous pouvons nous attaquer à l'autre partie du lieu, à savoir la ruine de l'usine de plomb.

Disons le tout de suite, selon notre guide, le lieu n'étant absolument pas documenté, il n'est pas évident de trouver des informations sur l'utilité réelle de chaque partie du site. Ainsi, il s'agit parfois de suppositions, mais qui ne sont, en toute honnêteté, pas très intéressante pour le quidam.



Vous voyez la poudre noire au sol ? Il ne s'agit pas de terre mais de terril de scories. C'est toxique mais cela n'empêche pas une famille qui est présente avec nous de laisser son petit enfant jouer dedans, en dépit de l'avertissement du guide. C'est pour cela que les visites sont annulées lorsqu'il y a du vent.



Sur cette petite esplanade, le guide nous montre quelques restes de cabanons construits par des sans domiciles, en dur.





Les pins poussant à travers les ruines sont de toute beauté et les architectes qui ont construit cette usine ont su tirer parti au relief des lieux. Il en résulte un environnement totalement unique où la nature a tendance à s’immiscer petit à petit, conférant au lieu un aspect d'Angkor Vat phocéen.







Et comme nous pouvons le voir, la nature a complètement réintégré le site. Cette araignée, très imposante, semble avoir élu domicile ici.



Enfin, une vue d'ensemble pour terminer qui laisse apparaître une œuvre dont je n'ai pas parlée, Pavillon Skulptur II, de Max Bill.



Un grand merci au guide qui nous a fait la visite avec un grand professionnalisme. Voici, pour terminer, les prochaines expositions :

Été 2018 : Jean Prouvé : "Maison Tropicale de Niamey"
Été 2019 : "Philosophie du Cabanon"

Quid de l'avenir du site ? Plusieurs pistes sont évoquées mais celle qui semble la plus crédible est la résidence d'artistes et de lieu de création / restauration.


Sources pour la rédaction de l'article :
http://astudejaoublie.blogspot.fr
http://www.tourisme-marseille.com
http://culturebox.francetvinfo.fr/
http://www.toptoptop.fr/
http://www.atelier48-2.fr/
http://www.ufunk.net/
http://friche-escalette.com/
http://sudwall.superforum.fr/
http://www.pss-archi.eu/
https://renamimoa.jimdo.com/
http://www.thefuturohouse.com/
http://www.atlasobscura.com
http://ideat.thegoodhub.com
 

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