La maison Deus Ex Machina

Mai 2018



Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais de visites de lieux abandonnés.

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Cela faisait un bon bout de temps que je voyais cette mystérieuse habitation tourner sur les quelques pages urbex que je regarde. Je n'ai jamais trop été inspiré par ce lieu qui semblait bien trop en bazar pour attiser ma curiosité et dont je n'arrivais pas à percevoir une logique. Était-ce un atelier ? Une maison ? Un restaurant ?

Puis, au détour de lectures de pages internet consacrées au patrimoine, je tombe par hasard sur un article racontant l'histoire de cette adresse et mine de rien, je dois dire que connaître l'origine de cet endroit a carrément motivé mon envie de le visiter.

1930. Le propriétaire de ce jardin décide d'utiliser ces terres pour cultiver quelques fruits et légumes pour sa consommation personnelle. La première difficulté consiste à pouvoir irriguer ce terrain plutôt sablonneux et très sec. Il décide de creuser, contre l'avis de la population locale, afin de pouvoir amener l'eau au sein de son terrain. Il creusa longtemps. Très longtemps. Tant et si bien qu'avec une pelle pour seul outil, il parvient après avoir fait un trou de plus de 20 mètres à tomber sur un petit ruisseau.

Bricoleur, inventeur, légèrement artiste et un petit peu fou, il décide de mettre en place tout un système d'automatismes afin que l'eau puisse monter naturellement. Ainsi, il installera deux éoliennes et plusieurs bassins afin de pouvoir arroser ses légumes.

Au fil des ans, ce qui n'était qu'un petit cabanon de jardinier se métamorphose en véritable palais insolite. L'architecture est en effet des plus curieuses. Le lieu est monumental mais n'est presque construit qu'avec des matériaux de récupération. Très large, il n'en demeure toutefois qu'extrêmement peu profond (une seule pièce !). L'essentiel de la maison étant à un niveau inférieur avec plusieurs galeries souterraines inondées qui sont éclairées par un savant jeu de miroirs et qui, par le biais d'une roue, permettent de fabriquer un peu d'électricité afin d'alimenter les niveaux supérieurs.

La construction du lieu s'est achevée dans les années 1970 avec l'installation de plusieurs sculptures comme vous pouvez le voir sur ces photos d'archive :



Début 2000, ce génie injustement méconnu s'en va rejoindre les cieux et c'est le début de la fin pour sa maison qui, même si certains descendants ont à cœur de la maintenir en l'état, n'intéresse pas les membres de toute la famille. Elle subira ainsi les assauts de squatteurs, pilleurs et graffeurs saccageant ainsi sans vergogne l’œuvre émouvante de toute une vie.

Après quelques heures de route, je me gare dans la petite zone pavillonnaire. C'est amusant, mais je m'étais toujours imaginé ce lieu comme étant isolé alors qu'en réalité il est vraiment situé en plein dans la civilisation. L'heure n'est pas idéale et je dois dire que le chantier juste en face de l'accès ne me dit rien de bon, mais je sais me faire discret et c'est en un rien de temps que je pénètre dans la petite propriété. C'est aussi là que débute le concert d'aboiements des chiens des trois voisins qui n'auront de cesse durant toute ma visite d'hurler en ma direction. Dans le jardin, je croise de nombreux chats qui partent avec un air nonchalant lorsqu'ils me voient troubler leurs séances de bronzage.

Le lieu est tel que je l'imaginais. Même si beaucoup de sculptures ont été déglinguées, il dégage malgré tout un charme dingue et procure l'étrange impression d'être épié par l'âme de l'ancien propriétaire.



Nous sommes en mai et la chaleur est déjà écrasante. Me voici face à ce palais bizarre mais en même temps terriblement touchant qui semble tout droit sorti d'une autre galaxie.





Je tente de faire le tour rapidement pour voir s'il n'y a pas un accès facile. Je peste toujours intérieurement contre ces chiens qui n'arrêtent toujours pas d'aboyer. Entre deux arbres, je peux voir que les familles mangent dehors et jouent avec leurs petits enfants. Personne ne m'a vu mais je suis cramé à des kilomètres à la ronde. Pire, il y a tellement de bricoles au sol qu'il est difficile de ne pas marcher dessus. Et il va me falloir me rendre à l'évidence, le plus simple sera encore de passer par dessus ce petit bassin pour rentrer par une fenêtre cassée. Même si ce n'est pas bien compliqué, je n'ai qu'une peur, glisser et faire tomber mon appareil photo au milieu des têtards. Parce qu'en effet, avoir un appareil, un trépied et une sacoche avec mes papiers n'est pas super aisé pour ce genre d'expédition (oui je sais, ce n'est pas interdit d'utiliser un sac à dos).



Après quelques acrobaties, me voici dedans. Chose très étrange, c'est très bruyant ! Certains mécanismes aquatiques sont encore en marche ce qui donne l'impression que le lieu est vivant et possède une existence propre. Je ne suis donc pas chez moi, mais au sein même de la création du propriétaire qui demeure la divinité encore en train d'activer cette machine infernale. Je n'ai pas eu la présence d'esprit de faire un petit film mais l'effet est carrément saisissant. Le bruit ambiant est un peu similaire à l’introduction de cette chanson.



Partout, des machines complexes dont seul le propriétaire des lieux connaissait l'usage. Il semblait vivre totalement au milieu de tout ce carnaval comme dépassé par sa propre création. La cuisine, la chambre, le salon ou l'atelier, tout est équipé par un mécanisme curieux qui semble aller au delà de la compréhension du commun des mortels.





Je fais quelques pas vers les escaliers du bas qui descendent à plus de 20 mètres sous terre et le bruit d'eau et de roulement se fait de plus en plus présent. Il fait nuit noire, impossible de prendre des photos et je dois dire que ce n'est pas vraiment rassurant d'être seul dans ces catacombes. Je remonte très rapidement et vais à l'étage qui est dans un état de conservation tout relatif. Les pièces à vivre sont minuscules car à nouveau, le créateur a laissé la plus grande place à ses inventions.



Quelques couleurs donnent un charme assez décadent au lieu.



Et toujours ces chiens qui aboient ! Je comptais prendre un temps pour me promener un peu sur la terrasse mais ces animaux commencent à m'agacer. Je décide de partir discrètement, très satisfait d'avoir pu visiter cette habitation petite par la taille mais gigantesque par son intelligence. Je ne peux aussi que constater que le Saint Homme qui a eu cette idée de génie habite toujours les lieux et qu'il a toute sa place aux côtés des étoiles...

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