Juillet 2019
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Avant-propos : - Aucune
information ne sera donnée sur la localisation du site. *** Voici un
lieu trouvé totalement par hasard alors que je cherchais un
petit coin pour manger tranquillement en bord de route et
m'éloigner un peu de ce soleil cuisant et ce vent
omniprésent qui fouette le visage en permanence. Après
quelques temps à tourner, je jette mon dévolu sur un petit
ensemble de ruines au fin fond de la pampa. Je n'ai pas la
prétention de trouver la perle rare, juste d'être au calme.
Pour ainsi dire, il n'était même pas prévu que le lieu
figure sur mon site. Mais après avoir eu la curiosité d'y
rentrer malgré tout, j'ai trouvé quelque chose d'assez
insolite à l'intérieur qui a toute sa place ici. Je gare ma
voiture. Le coin est vraiment dans un état de ruine avancée,
exactement ce que je cherchais. Il est composé d'un bâtiment
principal construit autour d'un donjon dont il ne reste plus
qu'un pan de mur. Il y a quelques tags autour de l'édifice
mais son accès nécessite un peu d'escalade car une bonne
partie a été murée et l'autre est protégée par un solide
grillage métallique et quelques cadenas. Cette
construction est une ancienne commanderie qui date du 13ème
siècle. Au fil du temps, elle a été remaniée en maison forte
avec donjon et une partie destinée à accueillir les soldats
a été ajoutée au cours du 18ème siècle. Son rôle de caserne
ainsi que de camp d'instruction sera attesté jusqu'à la
Grande Guerre. D'après les cartographies aériennes, le lieu semble abandonné au moins depuis de la seconde guerre mondiale mais l'est plus probablement depuis la fin de 14-18.
Je ne suis pas un pro de l'escalade mais je dois dire que j'aime bien ça. C'est toujours gratifiant (et un peu inconscient) d'escalader un mur sur lequel est accroché un panneau "défense de pénétrer, danger permanent". Je fais la visite au pas de course et surtout par acquis de conscience. Tout est vide mais dans un assez bon état si l'on prend en compte que le lieu est probablement abandonné depuis une centaine d'années. Il n'y a presque pas de tags, c'est agréable. La
structure est construite comme un quadrilatère au centre
duquel se trouve un jardin. C'est donc tout naturellement
qu'il y a une infinité de couloirs qui desservent des pièces
toutes plus ou moins identiques et dont le temps a enlevé
les indices potentiels sur leurs usages. Ce que je note
toutefois c'est que dans chaque espace il y a des jours qui
sont notés sur le mur, comme si les gens comptaient le
temps. Une pièce
attire mon attention. Elle comporte encore quelques éléments
qui montrent que le lieu avait quand même quelques touches
d'ornementations. On trouve même de petits sujets qui
semblent avoir été dessinés à la main et qui ont survécu à
l'épreuve du temps. Je trouve ça chouette.
Mais le
plus intéressant se situe dans une pièce qui, en apparence,
n'a rien de plus que les autres. Et c'est justement ce que
j'ai trouvé dans cette pièce qui m'a incité à poster ce
petit compte rendu. On ne trouve ni plus ni moins qu'une
œuvre réalisée par les soldats présents sur le lieu et
mentionnant le nom des sergents. Et pour moi, cela a bien
plus de valeur que n'importe quel objet que l'on peut
trouver dans un château entièrement meublé.
Jugez plutôt. Voici les
informations que l'on peut lire clairement :
Ils
étaient vraisemblablement en transit ici le temps d'être
envoyé au front dans le nord de la France. N'étant pas
familier pour un sou avec l'environnement militaire, il
faut dans un premier temps décrypter tout ce que l'on peut
voir. Voici quelques définitions glanées sur Wikipedia
pour comprendre un peu de quoi il s'agit :
106è Régiment d'infanterie territorial : Formation militaire organisée dès le temps de paix sous la forme des régiments numérotés de 1 à 176. Durant la première guerre mondiale la majorité de l'effectif est composé des hommes faisant leur service militaire (âgés de 21 à 23 ans c’est-à-dire nés en 1891, 1892, 1893 et au-delà ; la durée du service est de trois ans) et des militaires professionnels, renforcée à la mobilisation par les plus jeunes réservistes ; Compagnie : Une unité militaire qui, de nos jours, représente un groupe de cent à deux cent cinquante soldats . Dans la plupart des armées, la compagnie, commandée par un officier subalterne du grade de capitaine - ou parfois par un officier du grade immédiatement supérieur (commandant, chef de bataillon, major, etc.) - est la plus petite unité administrative autonome au sein d'une formation plus large. Unité de combat ou de soutien, la compagnie est la composante de base d'une force armée et le commandement d'une compagnie - ou d'un escadron qui est l'équivalent de la compagnie dans certaines armes - est une étape très importante dans la carrière d'un officier. Enfin, de nombreuses organisations non-militaires (police, pompier, etc.) sont également organisées en compagnies sur le modèle militaire. Peloton : Un peloton est une unité militaire de petite taille. Sergent-Major : Il est chargé de l'administration de la compagnie et organise la vie à l'intérieur du quartier et sur le terrain. Sergent : Est le plus souvent considéré comme le chef d'un groupe. HP : Je n'ai pas trouvé d'information sur ce point, toutefois, le sigle HP est présent sur la médaille de la légion d'Honneur et signifie "Honneur & Patrie". La première guerre mondiale étant bien documentée, j'ai souhaité rechercher les militaires qui figurent sur les inscriptions. J'ai principalement utilisé ce site : http://www.memorialgenweb.org/mobile/fr/index.php Il est assez difficile de retrouver avec certitudes des personnes sans autre information que le nom de famille car bien souvent, plusieurs membres d'une même famille étaient envoyées en garnison et changeaient régulièrement de régiments au gré des besoins. Je me suis donc retrouvé avec plusieurs noms pour un même lieu de naissance et différents régiments d'affectation. Ceci dit, j'ai pu déterminer ces trois fiches qui doivent être exactes : Tout
juste une vingtaine d'année pour certains. Cette horreur
me dépasse complètement.
L'ancienne caserne dans laquelle je me trouve est mentionnée dans un carnet de guerre accessible sur une base de données qui répertorie les correspondances durant la première guerre mondiale. Il ne mentionne pas les personnes présentes sur le mur, toutefois, chose amusante, il est fait état du vent qui souffle de manière régulière en dépit du magnifique soleil. La franche camaraderie est soulignée ainsi que les différents métiers des personnes regroupées. On apprend par exemple que le soldat en question est devenu ami avec un enseignant et un journaliste et qu'ils passent du très bon temps sur place, à profiter du vin et des mets de qualité, parfois luxueux, qui sont offerts. Les mois vécus ici sont même décrits comme étant très sympathiques et l'auteur ne manque pas d'exprimer sa gène à l'idée de passer des instants joyeux en période de guerre. Je dois dire que tout cela est excessivement émouvant. Savoir que des millions de jeunes sont partis la fleur au canon, tomber dans la gueule de ce conflit armé en dépit d'un jeune âge m'inspire un profond sentiment de dégoût mêlé à de l'admiration et du respect. Et même si de beaux sentiments, tels que la bravoure, qui était portée en étendard sont à souligner, le fait que l'unique alternative soit de périr côté Boche ou côté Français, n'a finalement pas de sens. Je souhaite de tout cœur que les coupables qui ont considéré que leurs prochains étaient de la chair à canon pourrissent en enfer. J'espère que l'on peut dire que ces camarades ne sont pas morts en vain et qu'on a su tirer leçons de tout ça.
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