Avant-propos
:
-
Aucune information ne sera donnée sur la
localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Je ne suis pas photographe et ne suis pas équipé
pour cela.
***
J'ai
habité plusieurs années dans cette cité historique,
peu à peu sacrifiée en cité sensible. Et forcément,
puisque l'on considère que les gens qui habitent
cette ville sont "sensibles", alors autant faire le
maximum pour ne pas les déranger et donc, être
prudent durant cette exploration.
Cette
grande demeure bourgeoise témoigne du passé
grandiose de cette ville. En effet, située en bord
de Seine, cette bourgade qui avait jadis de faux
airs de Province abritait un château royal et une
cathédrale depuis le XVIIe siècle. Aujourd'hui, il
ne reste plus grand chose de ce passé glorieux, si
ce n'est une très belle mairie. Cette ville a
souffert, comme tant de banlieues rouges, d'une
volonté de faire table rase du passé. Nous avons
donc droit à tous les clichés de la banlieue, telle
que l'on se l'imagine : grandes tours
résidentielles, circulation anarchique, sécurité à
revoir mais avec un tissu associatif très développé.
Malgré
le nombre de défauts que l'on pourrait trouver à
cette ville qui compte aujourd'hui 30 000 habitants,
j'ai adoré y vivre. J'ai passé énormément de temps à
me renseigner sur son histoire, son passé, son
présent et son futur. À ma balader dans ses quelques
ruelles historiques, dans son centre commercial 70's
quasi abandonné et pour une raison qui m’échappe
j'ai été charmé par cet endroit. Il y a une réelle
solidarité entre les habitants, les commerçants sont
chaleureux et son marché est une expérience extra
sensorielle post méditerranéenne. Ainsi, après
quelques minutes à arpenter les dédales, on quitte
son identité pour devenir un "mon frère" ou un "mon
ami", pour les plus discrets, et l'on repart avec
force bouquets de menthe et de coriandre en plus des
bananes initialement achetées. Cela me manque
aujourd'hui.
C'est
pour cela que j'ai souhaité retenter une visite de
cette grande demeure, histoire de rendre un hommage
à cette ville qui avait au départ tout pour me
déplaire mais à laquelle j'ai fini par m'attacher
énormément.
Cette maison appartenait à une certaine Colette L.
(ou Colette Nathalie L. - mes sources divergent),
professeure de danse classique qui enseignait,
d'après mes informations, à ce domicile. Sa mère, de
son vivant, accompagnait fréquemment les cours au
Piano. Une deuxième femme qui soutenait la première,
agée également, vivait dans cette demeure et depuis
la mort de cette dernière, la maison est abandonnée.
La dame de compagnie est décédée en 2007 et il y a
quelques mois, début 2016, c'est au tour de la
propriétaire de partir vers d'autres cieux.
En
2014, j'ai tenté de la visiter de nuit, avec ma
compagne, à l'époque où elle n'était pas totalement
murée. Il y a un panneau indiquant un avis de
destruction depuis cette date. D'après ce que l'on
peut trouver sur Internet, une copropriété de deux
immeubles va être construite à la place de cette
maison bourgeoise.
En
escaladant le mur délabré de la propriété située en
plein centre ville, au croisement de deux artères
passantes, nous avions retrouvé beaucoup de
bouteilles remplies d'un liquide doré aux pieds des
fenêtres. C'est un bon indicateur d'un lieu squatté
et je vous laisse imaginer ce qu'est le liquide dans
les bouteilles en plastique.
Une
personne nous a fait signe par la fenêtre. Il
s'agissait d'un jeune homme, l'air tout ce qu'il y a
de plus normal mais nous n’étions donc pas les
bienvenus, et en tant que sensible, il ne voulait
peut être pas se faire déranger. Peu importe, nous
repasserions sans doute.
En
avril 2016, je décide de retenter ma chance. En
effet, le lieu apparaît sur un site d'exploration et
il n'est a priori plus squatté.
Premier
point qui me marque, d'emblée, les fenêtres du haut
sont murées. Elle ne l'étaient pas lors de ma
précédente tentative. Le lieu est donc investi et sa
destruction se rapproche sans doute à grands pas.
Pour
rentrer dans la propriété, rien de plus simple, en
contournant le portail, il y a toujours le trou
géant dans le mur.
On
se retrouve alors face à la belle maison, très
grande et imposante avec une végétation luxuriante.
Lorsque l'on
fait le tour, on est surpris de trouver beaucoup de
déchets divers et variés, comme si le site servait
de décharge sauvage ou que l'on évacuait
progressivement toute la maison. On ne peut pas
rentrer par les fenêtres ou les portes, tout les
accès traditionnels sont bloqués. Des escaliers
permettant un ancien accès aux portes à l'avant et à
l'arrière de la bâtisse apportent un petit charme
bourgeois très sympathique. Toutefois, par
l'arrière, ils sont instables et empêchent un
contournement sécurisant car une dalle au sol est
manquante.
Avant de trouver une solution pour rentrer (car il y
en a une), attardons nous sur l'extérieur. Il y a en
effet, sur le côté de la maison, une petite cabane
de jardin qui abrite du bric à brac. Je crains de
trouver une maison totalement vidée car en effet,
c'est beaucoup plus compliqué d'évacuer les meubles
d'une villa lorsqu'elle est murée.
La
cave est grande ouverte, l'exploration peut ainsi
commencer ! Elle est un rien angoissante. Le sol est
en terre battue et les murs en béton. Faite de
petits couloirs et de grandes pièces, il y a encore
quelques meubles à l'intérieur qui donnent une
atmosphère effrayante avec les ombres projetées par
ma lampe.
On retrouve du charbon, beaucoup, des bouteilles de
vins (certaines pleines) beaucoup également, et il y
a une chaudière avec un visage un peu humain. C'est
amusant.
En observant le sol, il y a un escalier qui descend
encore plus bas. Je n'ose pas tellement le prendre
mais il a l'air d'aller assez bas, peut être une
porte vers les entrailles de la terre ? Ou bien un
accès vers la terre creuse ?
Nous montons, tout juste rassurés car le lieu dégage
quelque chose de très glauque. Nous arrivons alors
dans ce qui devait être l'entrée. Tout est noir.
Nous n'y voyons rien, même avec nos lampes.
L'impression de ne pas être seul commence à nous
habiter. Ce niveau est étrange. Il y a une cuisine
qui semble quasi fonctionnelle, avec un beau frigo
70's et une belle gazinière.
On dirait qu'une personne est partie précipitamment
car on retrouve de quoi se faire à manger.
Un pièce, probablement un ancien salon, abrite
bizarrement deux lits anciens, un lit double et un
lit simple. Probablement que l’age aidant, les deux
femmes qui vivaient ici restaient au
rez-de-chaussée.
Nous admirons au passage un joli rideau, au niveau
de l'ancienne porte d'entrée.
Une autre pièce est totalement remplie de détritus,
sur un bon mètre ! L'accès n'est donc pas possible,
comme si l'on avait voulu centraliser les objets
restants dans une seule et même pièce. Ainsi, on
retrouve des journaux, des anciennes partitions et
beaucoup de bazar. Le lieu est un peu tagué, mais
cela reste raisonnable si l'on prend en compte son
emplacement urbain. Au plafond, on retrouve de
belles moulures.
Nous prenons l'escalier, un peu plus éclairé par un
puits de lumière, mais tout juste rassurés car il
manque la rampe et il n'a pas l'air très stable.
Le premier étage a été visiblement squatté. Après un
rapide passage par les toilettes resplendissantes
d'une magnifique peinture jaune (où trône un livre
de Boris Vian) nous arrivons face à l'ancienne salle
de danse mais qui est totalement investie de
détritus, comme au rez-de-chaussée. Nous admirons au
passage, dans l'une des pièces, un papier peint bien
kitsch. Toutes les chambres avaient des cheminées.
Le mur a bien pris la moisissure mais nous pouvons
encore voir la barre qui servait lors des cours.
C'est quand même un peu navrant qu'un lieu de
culture et d'apprentissage finisse comme cela.
Une deuxième pièce, qui était une petite chambre,
était le lieu où dormait un squatteur. Il y a encore
deux affiches de danseuses.
Marrant, cela ne se voit pas sur les photos mais il
y a encore des chaussures. Ce qui veut dire que
soit, il est présent, soit il a été expulsé pieds
nus.
Nous sommes de moins en moins rassurés à l'idée de
ne pas être seuls. Ma compagne ne souhaite pas
continuer plus.
Je vais donc seul à l'étage, en restant très
vigilants. C'est un peu plus sympa, celui-ci est
éclairé, on y voit un peu mieux.
Il est en meilleur état, mais il y a encore et
toujours du bazar par terre avec notamment des
partitions. Toujours est-il que je ne suis pas
rassuré de laisser ma compagne au premier étage.
Nous décidons donc de partir, avec toujours cette
impression de ne pas être seuls et observés. Le vent
fait des bruits bizarres, on entend quelques
claquements, des bruits d'oiseaux, de voitures,
c'est loin d'être apaisant.
Cette maison qui date probablement du début du
siècle dernier (car elle apparaît sur les plus vieux
clichés de Geoportail, datés de 1921). D'après les
anciennes prises de vues aériennes, il y avait une
ferme ou un potager au fond de la résidence qui ont
laissés place à deux maisons dans les années 70. Un
ultime changement l'attend dans les mois à venir.
Au revoir maison de Colette...
Juillet 2016 :
Le lieu est en train d'être investi par des ouvriers
pour être détruit.
***
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