La villa Shalimar

Décembre 2018



Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais de visites de lieux abandonnés.

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MAJ 12/2018 : Pour des raisons de respect et de bienséance, et d'autres que je ne peux pas dévoiler, j'ai pris la décision de supprimer une bonne partie de ce compte rendu.

Enfin ! Quelle joie d'avoir réussi à pénétrer dans cette magnifique villa Art Déco ! Il faut dire qu'elle me fait de l’œil depuis plusieurs années et jusqu'à aujourd'hui, toutes les tentatives se sont soldées par des échecs cuisants.

Compte tenu de sa localisation et de la configuration du site, le lieu est particulièrement chaud d'accès.

J'ai beau tourner le problème dans tous les sens, comme il est impossible de franchir la clôture en centre ville, la seule solution probable sera de parcourir le ruisseau sur 200 mètres avant de pouvoir pénétrer dans le domaine de la villa par l'arrière en escaladant les parois du canal et en espérant que l'accès soit jouable et surtout que la maison ciblée soit ouverte.

À exploration exceptionnel, collègue exceptionnel qui doit être le seul a accepter un plan aussi galère en plein mois de décembre : Josh.


Nous partons de bon matin. Après quelques minutes de marche au milieu des détritus, scooters volés et sac à dos vidées, nous longeons la voie ferrée afin de nous enfoncer petit à petit dans la végétation. La côte est assez abrupte et nous devons nous y reprendre à plusieurs reprises afin de pouvoir nous approcher du petit canal sans encombre.

Le courant est faible, mais la profondeur d'une vingtaine de centimètres fait que nous tombons rapidement sur une conclusion commune : ça va être bourbier.
Pendant les premiers mètres, nous essayons de rester au maximum sur le bas côté pour éviter l'eau mais le sol est tellement boueux que nous nous rabattons finalement sur les cailloux les plus gros afin de ne pas nous mouiller. Et puis au final, galère pour galère, nous y allons gaiement, les pieds dans l'eau en cette matinée glaciale.
Une satisfaction toutefois : c'est vraiment magnifique ! Personne ne semble jamais être passé par ici et la nature est très sauvage à tel point que nous nous disons que si d'aventure la villa est fermée nous aurons au moins eu la satisfaction de voir ça.



La marche continue tranquillement. Au plus profond, l'eau nous arrive au niveau des genoux. Ce n'est pas très agréable et elle est plutôt fraîche mais honnêtement, on s'y fait et puis hormis un trou d'égout, cela ne présente pas trop de dangers si ce n'est pour le matériel car il faut faire attention à ne pas trébucher.



Petit à petit l'arrière des deux villas se dessine sous nos yeux. Le ruisseau s'enfonce aussi de plus en plus en profondeur. Il va donc falloir que nous grimpions sur un des murs pour passer à travers les ronces qui s'étalent sur un peu moins 100 mètres. Deux choix s'offrent à nous : le mur de droite pour aller en direction de la villa vraisemblablement abandonnée en passant à travers les ronces et la végétation, ou le mur de gauche qui a le bénéfice d'amener sur une partie du terrain un petit peu plus praticable mais qui file tout droit vers la seconde villa dont nous n'avons pas la certitude si elle est occupée ou non.
Nous optons donc pour les ronces. Je suis le premier à escalader le mur de deux mètres pour me rendre directement au sein d'une forêt difficilement praticable ou aucun être humain n'a du mettre les pieds depuis des lustres. D'emblée, l'entreprise s'annonce scabreuse, dès que j'ai terminé d'escalader le mur et que je me retrouve sur le terrain, une partie de ce même mur s'effondre, ce qui fait qu'il n'est plus possible pour Josh d'utiliser le même accès au terrain que moi.
Je patiente quelques minutes le temps qu'il trouve un autre endroit et nous voici à parcourir cet enfer végétal.

Les ronces font plusieurs mètres de haut et se mêlent aux arbres, aux moustiques et à l'humidité ambiante. En l'espace d'un instant nous avons l'impression d'être dans un environnement tropical particulièrement inhospitalier où des lames de rasoirs viennent taillader nos corps à mesure que nous effectuons notre progression maladroite.
Nous vivons là un véritable calvaire. Il est très difficile d'avancer et même si nos trépieds et sacs servent à nous protéger des ronces, nous nous retrouvons progressivement avec les mains lacérées par toutes ces épines. Pire, petit à petit, les ronces deviennent présentes avec une telle densité, que le sol en devient invisible et nous réalisons même à un moment que nous avons les pieds à un bon mètre au dessus de la terre. Nos jambes s'enfonçant douloureusement dans ces buissons infranchissables. Sans compter que le terrain devient progressivement très pentu et que le ruisseau est donc plus en plus bas. Une chute serait potentiellement mortelle.
Nous souffrons de tout ce capharnaüm terrestre et devenons progressivement pris au piège d'une nature qui ne veut pas de nous.
La maison n'est plus très loin et je tente un dernier coup d'éclat en m'accrochant à une liane mais il va falloir que je me rende à l'évidence : nous ne pouvons plus continuer, c'est beaucoup trop dangereux. Je fais signe à mon binôme un peu en retrait de ne pas prendre le même chemin que moi et il m'invite à abandonner cet accès. Je suis de nature obstinée et ça m'embête de l'admettre, mais il a raison, pas la peine d'être enthousiaste au mépris du danger. Il vaut mieux privilégier la sécurité, ça ne vaut pas le coup de finir éclopé et en lambeaux pour une baraque. Retour au ruisseau, non sans difficultés.

Pas d'autre solution que de tenter la berge d'en face et ainsi passer à proximité de la villa peut-être encore habitée. Mes jambes sont trempées, mes mains sont en sang et mon sweat, pourtant solide, a souffert : il est lacéré au niveau des bras et est même tâché ça et là d'hémoglobine se mélangeant à des tonalités plus verdâtres. Nos gueules sont pleines de boue et je peux confirmer que des ronces sont bien plus efficaces que des barbelées ou qu'une alarme. Nature 1, Visiteurs de l'aube 0, ça a au moins la mérite de replacer l'humanité dans son contexte. Nous faisons peine à voir, mais pas le moment de nous retourner !

Nous traversons ensuite d'une rive à l'autre en passant à califourchon sur un gros tuyau et nous voici dans une partie du domaine un petit peu plus simple. Quelques ronces sont encore présentes mais avec ce que nous venons d'encaisser force est de constater que rien ne peut nous arrêter. Nous arrivons enfin, après presque une heure de lutte acharnée avec les éléments, au pied de la seconde villa du domaine, celle qui, a priori, ne nous intéresse pas. Au pied de la façade arrière, du bois fraîchement coupé. Les volets sont fermés, il n'y a donc très probablement personne, mais prudence, peut être que ses occupants dorment encore. Prions pour qu'ils n'aient pas de chien. Par chance, un petit pont suspendu en bois permet de relier les deux villas en passant au dessus du petit ruisseau. Situé a facilement 4 mètres de hauteur au dessus du cours d'eau, il fait triste mine et il nous donne des airs d'Indiana Jones lorsqu'il se met à devenir branlant à mesure que nous le traversons. Mais peu importe, nous portons la bravoure comme un panache et notre périple touche à sa fin !

Après moultes embûches, nous voici enfin sur la terre ferme au pied de notre Saint Graal. Nous contournons la villa et pas de doute, elle est bien abandonnée, la nature prenant depuis une décennie possession de cette partie du domaine. La façade est un peu fatiguée et a presque des airs de manoir dans les films d'horreur. La verrière est complètement cassée et le bow-window, typique de l'architecture Art Déco, passerait presque inaperçu avec toute cette végétation.



Nous rentrons et avançons à pas de loup de peur que le lieu soit squatté, même si l'accès au domaine est tellement compliqué que cela parait improbable (sauf si la personne a les clefs du portail). Je sors d'emblée mon appareil photo et installe mon trépied et je commence à shooter avant même que nous ayons pu nous assurer que le lieu est vide.

Le lieu, bien que vidé, est magnifique et contrairement à ce que laisser présager la façade, il est même en excellent état et révèle ainsi sa décoration des années 30 qui n'a pas bougé d'un iota.
Première photo de ce qui était probablement une salle de repas. Elle n'est pas très grande mais son miroir sur la droite lui donne un aspect monumental (et m'a valu une frayeur lors de mon passage en premier dans la pièce).
Sur la gauche, l'accès au bow window. Nous verrons cela plus tard.



Juste en face, un salon. Mon dieu qu'il est beau ! Ce sol, ces murs, ces moulures, cette cheminée et ce luminaire ! Quelle classe folle ! Presque centenaire et toujours à la mode.



Nous continuons notre visite préventive et traversons plusieurs pièces qui n'ont pas grand chose de particulier. La salle de bain demeure malgré tout plutôt jolie et insolite avec sa tonalité Art Déco :



J'immortalise le tout assez rapidement, on prendra le temps de faire les choses un peu mieux d'ici quelques instants. Petit passage vers le rez-de-chaussée, tout vide, mais qui offre de très beaux angles et même un placard avec une porte dérobée pour aller dans le garage. Nous ferons des photo de cet espace plus tard.
Nous remontons tout tranquillement avec enfin la garantie que le manoir n'est pas squatté. Nous allons donc pouvoir prendre le temps de faire des clichés audacieux et comme je sais que Josh est de bon conseil, je ne me fais pas trop de soucis de ce côté là.
Direction l'espace du bow window qui est d'un blanc immaculé et comprend une espèce de desserte et des spots rouges au plafond. Quelle était l'utilité de cette pièce ? Un petit bar ? Un jardin d'hiver ? Un peu tout ça à la fois ? Peu importe, le fait est qu'elle est superbe.





Josh commence à sortir et préparer son matériel lorsque je tente un cliché à travers la vitre. Je pose mon regard sur le parc et je vois deux voitures garées au pied de la maison que nous sommes en train de visiter. Deux familles sortent des voitures.


Je m'approche de mon acolyte, lui explique très rapidement la situation. Que faire ?
On se décide alors en un brin de seconde à filer vers le rez-de-chaussée pour voir si on ne peut pas tenter un échappatoire discret avec une fenêtre sans barreaux. Peine perdue.
Nous prenons alors la décision d'attendre un peu et si jamais ils rentrent dans la maison, d'aller nous présenter benoîtement et d'assumer notre présence. C'est de toutes façons la meilleure chose à faire.

Pas le temps de finir notre phrase que nous entendons la porte s'ouvrir alors que nous sommes en bas. Et merde... Fin de la visite !

S'il y a quelque chose qui m'embête dans ce genre de situation, c'est d'être dans une propriété privée, certes, mais surtout, de faire peur à des gens qui n'ont rien demandé et ne s'imaginent pas que la maison qui leur appartient est visitée un samedi de bon matin.
Je tente un "qui est là ?". Pas de réponse, nous allons donc nous présenter dans la pénombre de la villa aux volets fermés. Je tombe sur une jeune fille d'une petite quinzaine d'années, forcément, elle pousse un cri de surprise...

[...]
(Retrait du dialogue. Il était magique, théâtral et au final bon enfant mais je préfère ainsi, pour des raisons précises, que je ne vais pas évoquer)

Retour par le ruisseau donc. J'en profite pour immortaliser rapidement la verrière car ce sera la dernière photo qu'il me sera possible de faire dans ce lieu. Je prie aussi pour que mes précédentes photos ressemblent à quelque chose.



Et nous voici à devoir nous farcir une seconde fois ce ruisseau, toujours aussi splendide ceci dit !



 

Nous voici enfin à la voiture. Direction la pharmacie du coin histoire d'acheter de quoi nous désinfecter les mains et penser nos innombrables plaies. Et pardon au pharmacien pour le sol que vous veniez de nettoyer... Je ne dirais pas un mot sur l'histoire du lieu.

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