L'orangerie des cavaliers

Août 2018



Avant-propos :

- Aucune information ne sera donnée sur la localisation du site.
- Je ne souhaite pas faire d’échange de lieux.
- Ceci n'est pas un site de photographies mais de visites de lieux abandonnés.

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Trois fois que je vais à cet endroit qui promet une visite quelque peu angoissante mais en même temps tellement agréable... Pourquoi angoissante ? Parce que cette ancienne orangerie est située dans un domaine encore partiellement habité et dont le propriétaire n'hésite pas à protéger son territoire avec son chien.

Mais en dépit du risque de se faire prendre le lieu possède une atmosphère véritablement chaleureuse, romantique et hors du temps à travers sa végétation négligée et ses constructions hétéroclites. Le domaine a beau se réduire pour laisser place à une curieuse zone industrielle, il n'en reste pas moins encore plein de charme et d'intérêt. J'aborderais ce point un peu plus bas.

L'histoire de cet édifice est totalement inconnue. Le domaine en question est lui très documenté, mais absolument rien sur cette petite construction atypique. Le nom qui est utilisé dans le milieu est "la serre du chirurgien". Le peu d'information que j'ai pu obtenir à travers un livre consacré à la commune est qu'il s'agit d'une orangerie et qu'elle n'a jamais appartenu à un chirurgien. Cette construction métallique est datée de la moitié du XIXè siècle et ce domaine a été un emplacement de choix pour la construction d'une villa appartenant à deux notables du département qui sont les propriétaires du terrain depuis les années 60.

Dès lors, plus aucune trace de cette orangerie (ou de cette serre, je ne sais pas s'il y a une grande différence en fait). Elle n’apparaît pas sur le cadastre ou dans le plan local d'urbanisme de la commune. Ainsi, officiellement, elle n'existe pas (ce qui n'est pas très rassurant pour son avenir). Elle devait probablement servir de jardin d'hiver ou de lieu de stockage des quelques plantes du jardin.

La cheminée centrale laisse penser que l'on pouvait s'y retrouver au chaud, mais peut être que son utilité était aussi de réchauffer les plantes pendant les périodes de gel.

En dehors de la serre, on trouve encore 3 maisons encore habitées au sein du domaine. Prudence donc.


Après deux repérages infructueux dans le coin, je me décide, en désespoir de cause, à retourner dans ce lieu que j'affectionne tant. Il fait beau, l'heure est plutôt matinale et j'ai donc un petit peu de temps devant moi pour explorer ce site tranquillement. J'aime un peu moins le fait que le 15 août soit un jour férié car cela implique que les propriétaires seront probablement ici et qu'avec le beau temps ils vont être susceptibles de traîner dans ce grand jardin.

Comme à l'accoutumée, je me gare relativement loin car j'ai repéré un accès plutôt discret avec un tout petit chemin qui passe derrière le domaine et sans clôture pour délimiter celui-ci. Il promet un grand détour avec une marche d'environ 1 kilomètre 30 mais il a l'avantage, qu'en cas de contact avec le gardien, je pourrais toujours invoquer une petite promenade innocente et l'envie de faire des photos hors des sentiers battus. Après tout, c'est plutôt crédible de marcher sur un sentier, d'apercevoir un beau monument, d'aller le prendre en photo et de retourner à sa promenade.

Jadis, un autre accès était possible par l'avant mais des constructions ont poussé, de grandes clôtures sont apparues et il est donc beaucoup plus difficile d'y accéder discrètement par là, même si la proximité immédiate avec l'orangerie était un bon point considérable.

9h00 du matin, la marche peut commencer. Je reste malgré tout sur mes gardes même si je suis dans mon bon droit (rien n'interdit de marcher ici et il y a un petit sentier) c'est malgré tout un peu curieux de faire une petite rando ici, entre rocade routière, zone industrielle et champs de blés. Ceci dit, la présence d'un lac artificiel et d'un petit ruisseau permet de voir quelques animaux de bon matin.

Tout se passe le plus simplement du monde et je quitte progressivement le chemin de promenade pour aller dans le domaine. Un bon point, il n'y a aucun panneau indiquant que l'on pénètre dans une propriété privée ou que l'accès est interdit. Au sol, on trouve plusieurs piquets qui semblent délimiter des périmètres, probablement pour de futures constructions. J'espère qu'elles seront résidentielles, ce serait moche que la zone industrielle englobe le domaine et se juxtapose à ces quelques habitations remarquables.

Pas de bruit autour de moi mais je reste vigilent et commence à arpenter ce grand jardin par ce beau soleil. Des rondins de bois entreposés et l'herbe coupée récemment indiquent clairement que le lieu n'est pas délaissé. Je marche à pas de loups en tentant de rester sur quelques petits chemins de terre pour avoir l'air d'un promeneur égaré. Lorsque soudain, j'entends du bruit à proximité !

Je me retourne et tombe nez à nez avec 5 cavaliers. Il y a un homme âgé, un couple dans la force de l'âge et deux ados. Je crois distinguer que l'homme âgé est le gardien des lieux que j'ai pu apercevoir de loin lors de mes précédents passages. Comme je sais pertinemment que je suis dans le domaine et qu'eux aussi, je décide de m'avancer pour aller discuter avec eux et jouer franc jeu (sans trop en dire toutefois). 

- "Bonjour, je m'étais arrêté pour faire quelques photos du coin, de la nature et du ruisseau, la sortie est par où ? Je vois que ça a été clôturé depuis la dernière fois !"

La femme prend la parole, avec un grand sourire et se montre très sympathique. Ouf !

-"Oui, en effet, maintenant on ne peut plus continuer par là. Il vous faut rebrousser chemin, traverser le petit pont et tourner à gauche pour rejoindre la route".

-"Ok, donc le même chemin que celui que j'ai emprunté. Merci pour l'info et bonne promenade à vous !"
-"Vous de même !"

Je fais mine de régler mon appareil photo le temps de les voir continuer leur promenade et s'éloigner du domaine. Par chance, j'ai dû inspirer confiance ou être très crédible mais ils ne m'ont pas posé plus de question que cela et n'avaient pas l'air bien préoccupé par ma présence ici alors que j'étais dans une propriété privée, probablement la leur. Il faut dire qu'avec la chaleur je m'étais habillé en touriste et hormis mon appareil photo, je n'avais pas de sac ni de trépied dans son fourreau qui pourrait me rendre suspicieux ou me faire passer pour un cambrioleur.

Je continue donc mon petit chemin et je peux enfin apercevoir cette orangerie, totalement recouverte par la végétation, ce qui lui donne un charme de dingue !



Je reste toujours prudent même si je suis un peu soulagé de voir que ma présence ici n'a pas suscité trop d'interrogation.
Rentrer n'est pas très compliqué, tout est ouvert. Je ne m'éternise pas dehors et décide donc de me consacrer à l'intérieur, qui est onirique à souhait.
Le lieu parait servir de dépôt pour des chaises, un caddie et divers outils de jardin mais il reste encore diablement photogénique, avec son îlot central et sa végétation omniprésente.



Depuis l'intérieur, j'entends du bruit. Quelqu'un semble passer l'aspirateur ou le kärcher. Probablement une personne habitant sur place qui s’affaire à de menus travaux de bon matin.



En regardant au loin depuis une fenêtre ouverte, je peux voir que des voitures sont garées à l'entrée du domaine et qu'il y a une piscine en parfait état à côté d'une des maisons. Ça ne me rassure pas des masses mais l’avantage est qu'avec le bruit provoqué par les travaux et la végétation j'ai la garantie d'être à peu près tranquille pour autant qu'il ne vienne pas chercher une chaise ou un caddie (...) à l'intérieur de l'orangerie.



Cette potentielle proximité immédiate avec les propriétaires fait également que je ne vais pas prendre le temps de prendre de photos de l'extérieur et que je vais me contenter de quelques angles rapides.
Je suis aussi toujours un petit peu stressé par la présence potentielle du Rottweiler qui rôde dans les parages d'habitude.



Je reste malgré tout sous le charme de cette construction qui a encore fière allure en malgré ses 170 ans et qui me rappelle l'âge d'or des constructions métalliques d'Eiffel et ses disciples que l'on peut retrouver à la verrière de l'Hôtel Vernet, au Grand Palais, à Paris (avec son dôme, notamment), où, pour descendre un peu plus au sud, à la serre tropicale Noilly-Prat à Marseille. Si l'on veut se cultiver un peu sur le sujet, j'ai trouvé cet article plutôt intéressant, et la lecture de ce document PDF édité par la Réunion des Musées Nationaux sur l'historique de la construction du Grand Palais est indispensable.

Le charme désuet des lampadaires très années 70 apporte une véritable touche nostalgique et pour une raison incertaine, c'est l'élément que je préfère dans cette orangerie. Ils sont agrémentés d'un parasol et d'une table. J'ai un peu du mal à voir comment est-ce que l'on peut les utiliser tous les trois à la fois mais soit.

 

Visite terminée après une petite dizaine de minutes passées à l'intérieur. Clairement un endroit exceptionnel.

Je sors discrètement de l'orangerie et après quelques secondes, je croise à nouveau les cavaliers qui rentrent de promenade et qui cette fois-ci me dévisagent clairement. Toutefois, ils ne m'ont pas vu rentrer ni sortir de la serre, ainsi, dans le doute, ils ne me disent rien.
Je fais un petit signe de salutation et je file retourner à mon véhicule par le chemin utilisé à l'aller et celui qui m'a été indiqué par la femme.

Quelques mètres avant de retrouver mon véhicule sur le bas côté, je constate que deux hommes sont en train de discuter. Serait-ce des policiers venus après un appel des personnes que j'ai pu croiser ?

Rien de tout cela, il s'agit simplement des propriétaires des terrains que j'ai été amené à traverser qui sont en train de discuter d'une future délimitation. Nous nous saluons, je monte et disparaît.


Sur le chemin du retour, je suis amené à contourner le domaine que je viens d'explorer afin de rejoindre l'autoroute et je passe donc devant l'entrée officielle de celui-ci. Je freine pour jeter un rapide coup d’œil et je vois les 5 cavaliers descendre de leurs chevaux et rentrer dans l'une des anciennes maisons du parc. 

C'est donc très probablement un des propriétaires et sa famille que j'ai pu croiser il y a quelques instants. C'est un peu gênant, mais tout a été fait de manière respectueuse des deux côtés et bien que je ne sois pas dans mon bon droit, c'est bien le principal.

Les terrains étant actuellement en vente, rendez-vous dans quelques années pour voir ce qu'il en restera. Mais une chose est sûre, je vais suivre cela de près !

Avis aux habitants de cette région où je traîne souvent mes bottes : ce serait encore plus chouette si tout le monde pouvait mettre son clignotant sur les ronds points ! Typiquement le genre de situation qui me rend dingue.

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